Et si je ne voulais pas gagner du temps ?
La dernière fois, je parlais avec mon mari d’une vidéo qu’il avait vu sur instagram, Il m’expliquait le contenu de ce qu’il avait vu et en l’écoutant (attentivement promis) je me suis fait la réflexion que le format vidéo fonctionnait mieux, car cela permettait aux personnes d’aller plus vite, aller plus vite vers la fin du contenu et puis passer à autre chose.
Et en effet, si on regarde bien le monde qui nous entoure, tous les produits nous promettent de gagner du temps. Mais en y réfléchissant bien, qu’est-ce que cela signifie gagner du temps ? Et est-ce que l’on a envie de gagner du temps ?
Si tu payes un certain montant, tu auras plus d’abonnnés, tout cela pour gagner du temps. Si tu achètes cette superbe machine toutes fonctions, tu vas gagner du temps et tu n’auras plus à cuisiner. Si tu achètes cette nouvelle voiture, tout ira plus vite. Si tu as cette nouvelle montre high tech, tout sera plus simple, même plus besoin de sortir ton téléphone.
Oui mais, et si je n’ai pas envie de gagner du temps. Si en gagnant du temps, on perdait un peu de ce que l’on est en chemin. Si en allant plus vite, on courait rapidement sur la mauvaise route. Parce que gagner du temps, c’est aussi m’enlever le plaisir de marcher lentement, de me laisser surprendre. Gagner du temps, c’est nier le fait que pour créer une communauté, il faut du coeur, de l’âme, des échanges et du temps. Gagner du temps, c’est me retirer la douceur d’entendre les oignons crépiter dans la poele et sentir les odeurs qui se déploient.
Je me souviens que lorsque ma fille aînée était en crèche, je l’avais un jour récupérée en sanglots. De gros sanglots qui devaient durer depuis longtemps. La dame en charge avait déclaré “Mais enfin madame, il faut avoir confiance !” Ce à quoi je lui avais répondu que la confiance n’est pas quelque chose que l’on distribue, cela prend du temps. La confiance, cela se gagne par de petites actions quotidiennes, ce n’est pas instantanné.
Alors moi, lorsque j’entends parler de gagner du temps, je pense au Petit Prince qui un jour rencontra un marchand de pillulles permettant de ne plus jamais ressentir la soif. En avalant une pillule, “on épargne cinquante-trois minutes par semaine” lui avait déclaré le marchand. Et la réponse du Petit Prince est toujours avec moi :
“Moi, dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine…”