Mon récit de naissace : AAD en France
Pour commencer j’aimerais dire que j’étais une mère parfaite, une mère idéale avant d’avoir un enfant ! Je n’avais même pas réfléchi, je serais une super maman avec une poussette au top, des biberons et une petite valise prête à emporter à la maternité dès que les premières contractions se feraient sentir. La maman qu’on voit dans les films.
Comment je suis arrivée à cette décision ?
Mais voilà, lorsque mon premier enfant s’est annoncé, les choses se sont passées différemment. Déjà, j’imaginais que la femme enceinte était entourée, qu’on allait m’expliquer plein de choses, être bienveillant. Loin, loin de la réalité.
Petit aperçu de ma visite chez ma gynéco sorcière (je sais qu’elles ne sont pas toutes comme ça, bien heureusement):
“Bonjour, nous nous sommes vues il y a quelques semaines car j’avais le projet de faire un bébé… (voix heureuse de la maman, remplie de joie et les yeux plein d’étoiles)
“ Oui et alors ? ça y’est vous êtes enceinte c’est ça ? Ben déshabillez-vous pour un examen. (voix neutre de robot pas content)”
Euh, là ça calme… On appelle pas ça un “heureux événement” ? Je n’attendais pas qu’elle saute au plafond mais j’aurais trouvé qu’un sourire était une réaction plus normale.
Cependant, ce rendez-vous mémorable m’aura permis d’obtenir une documentation régionale avec plein de blabla qui ne sert pas à grand chose et dans laquelle il y avait un petit encart sur les accouchements dans l’eau. Et ça m’a tout de suite emballée. De la douceur, de la douceur après cette brutalité !
Seulement entre la jolie théorie et la pratique, comme toujours il y a un gouffre ! Les établissements français équipés de ce genre de salle de naissance sont presque aussi introuvables que Charlie et son fameux bonnet rayé. Du coup cette solution n’était vraiment pas envisageable. Mais l’idée d’une naissance différente commençait à faire son chemin dans mon esprit.
Dans le même petit encart qui parlait des accouchements dans l’eau, il y avait une ligne sur les accouchements à domicile. Une ligne ce n’est pas beaucoup mais cela m’a permis d’enclencher un second processus. Une de nos amies avait donné naissance à ses deux enfants à domicile et j’ai donc commencé à lui poser de multiples questions. Pourquoi un tel choix ? Comment est-ce que cela se passe ? et quantité d’autres choses… Elle m’explique qu’une seule sage-femme s’occupe du suivi de grossesse et de l’accouchement. Que les relations qui se nouent sont très fortes, que la naissance se passe avec plus de “douceur”. (avec des guillemets bien entendu)
Je ne pourrais réellement expliquer le pourquoi du comment mais très rapidement, ce choix s’impose dans ma tête. C’est ce que je désire, c’est ce que mon corps demande. Ce qui est d’ailleurs très étrange car je suis une “angoissée chronique” pour reprendre les termes de mon médecin. L’accouchement à domicile, il faut que j’en sache plus. Tout comme pour les accouchements dans l’eau les régions françaises ne sont pas égales car très peu de sages-femmes les pratiquent. Mais oh joie ! Mon amie m’envoie les coordonnées de deux sages-femmes près de chez moi ainsi que plein de liens sur ce que nous appellerons désormais les AAD (Accouchement à Domicile… à ne surtout pas confondre avec les ANA Accouchement Non Assisté, ceux où la femme est trop une warrior et décide qu’elle veut donner naissance sans sage-femme, sans obligation de suivi médical etc)
Avant de prendre mon premier rendez-vous, nous en discutons mon mari et moi. Il avoue être assez surpris, pas forcément enthousiaste au premier abord mais il me fait confiance et me dit qu’il me soutient si c’est le choix que je veux prendre.
Ensuite les choses vont assez vite, je rencontre Julie, la première sage-femme puis Françoise, la seconde. En effet, elles travaillent à deux dans le même cabinet et je me sens encore plus sûre de ma décision. Elles dégagent tant de douceur et d’amour pour ce petit bébé, elles m’écoutent, répondent à chaque question qui me (nous <- le papa aussi a plein de questions) turlupinent, même les plus insignifiantes. Elles répondent, patiemment, sans jugement, par des réponses simples et rassurantes. Lorsque je sors de ces rencontres, je me sens sereine et pleinement confiante. Je me sens prête à m’envoler.
Je suis loin, à des années lumières des discours effrayants, culpabilisants que j’ai dû entendre lorsque j’ai parlé de mon choix à ma sorcière de gynécologue. Lorsque Julie et Françoise écoutent le coeur du bébé, elles jouent avec lui, elles sourient puis m’essuient très délicatement le ventre. Elles prennent soin de ce petit être. Ma gynéco sorcière avait parlé pendant l’écoute des battements du coeur, m’avait ensuite dit que mon bébé avait sûrement une malformation et même mes larmes n’avaient pas réussi à arrêter ses mots… Des visites où je n’avais pas vraiment l’impression de m’envoler T_T (je n’y suis plus jamais retournée, naïve mais pas maso)
Quand on fait le choix d’un AAD plusieurs choses sont compliquées. Déjà, gérer les remarques des gens qui savent tout sur tout. Cela va d’ “Un accouchement sans péridurale ? ben bon courage” à « Je trouve que c’est un gros risque mais bon vous faites comme vous voulez » sous-entendu, moi la mère je fais un caprice qui met la vie de mon enfant en danger. Je n’ai jamais compris pourquoi j’avais eu autant de remarques méchantes, presque une haine pour les AAD, une peur de l’inconnu sûrement, je ne sais pas trop.
Je suis physiquement assez frêle alors là aussi ça en rajoute une petite couche. “Je ne sais pas si tu seras capable, c’est très fatigant quand même” youhou que d’encouragements ! Continuez j’en veux encore ! Mais je sais ce dont je suis capable, je sais que mon mari me soutient, je sais que les sages-femmes qui m’entourent ne sont pas inconscientes et qu’elles ne prennent aucun risque. Je suis inscrite à la maternité, ils ont mon dossier en cas de transfert, les sages femmes me font faire de vrais examens (si, si) et valident ou non le projet d’AAD vers le 8e mois. Et encore, si la naissance se déroule durant des dates très précises. J’ai eu l’impression que personne ne s’était dit que moi, la maman, j’étais peut-être celle qui était la mieux placée pour penser à mon bébé, celle qui connaissait le mieux mes forces et mes faiblesses et surtout celle qui ne voulait prendre aucun risque pour son bébé.
Petite parenthèse : AAD ou maternité c’est tout simplement différent et cela répond à des besoins différents aussi avec une même finalité, la naissance de notre enfant. Je ne rentrerai pas dans le débat meilleur ou non, les AAD répondent à certaines femmes, les maternités à d’autres. Il est juste important pour moi que chaque femme puisse faire son choix. Fin de la parenthèse.
Le Jour de la naissance
Maintenant je vais vous faire rentrer dans notre intimité, faire de vous de petites souris, témoins de l’arrivée de ce merveilleux bébé. Alors faites-vous minuscules et sur la pointe des pieds retournons dans la nuit du 13 au 14 février 2012. Il est 4h30 du matin lorsque je me lève pour ma pause pipi “habituelle”. En me recouchant, j’éprouve une étrange sensation, comme de légères douleurs de règles assez régulières. Ce sont de petites contractions, je suis contente car je me dis que la naissance se rapproche. J’essaie de me rendormir mais je suis bien trop excitée et je regarde mon réveil à chaque fois que la douleur se fait sentir. Ces vagues reviennent toutes les 7 minutes. Je sais qu’il faut que je dorme mais je n’y arrive pas. Lorsque le réveil sonne, je regarde mon mari et lui demande s’il est prêt à être papa.
Le matin j’ai un rendez-vous chez un orthophoniste. Cela fait des mois que je dois faire ce bilan alors j’appelle Julie pour lui demander conseil et lui dire qu’un petit travail se met en route. Elle me rassure en me disant que si les douleurs ne sont pas intenses, je peux me rendre à ce rendez-vous tout en prenant mes précautions au cas où je perde les eaux.
Je me sens très sereine et je sens bien que le futur papa commence à stresser un petit peu. Je lui demande d’aller faire quelques courses pendant mon bilan, il doit aussi passer au travail récupérer certaines affaires. Il ne veut pas que je conduise et me dépose donc chez l’orthophoniste. On convient que je l’appellerai en sortant si je ne me sens pas de rentrer à pieds.
Le rendez-vous se passe bien et dure presque trois heures. L’orthophoniste n’est vraiment pas rassurée lorsqu’elle me voit noter mes contractions de plus en plus proches. Je reste toujours calme et j’essaie de la rassurer, non je ne vais pas accoucher dans son bureau. Fin du bilan, lorsque je sors, mon mari est là, dans la salle d’attente. Inquiet et excité !
On rentre à la maison et j’appelle Françoise. Je lui dis que les contractions sont maintenant plus rapprochées, toutes les cinq minutes. Mais les douleurs restent vraiment légères, des douleurs de règles qui viennent par vagues puis me laissent tranquille. Elle me dit que parfois les contractions se calent rapidement sur un rythme très régulier mais que ce sera l’intensité de la douleur qui marquera l’avancée du travail. En attendant, elle me conseille de manger un bon plat de pâtes et d’essayer de dormir car selon elle la naissance pourrait avoir lieu en soirée. Nous la rappellerons dès que les douleurs se feront plus fortes.
Mon mari est au petit soin, j’ai l’impression d’être une princesse. Il me prépare un plat de pâtes, une infusion aux feuilles de framboisier, des fruits secs… Nous avons installé un petit matelas dans le salon, tout près de la cheminée et je me sens bien à cet endroit pour l’instant. Je n’ai pas décidé du lieu de l’accouchement précis. Je m’allonge sous la couette pour essayer de faire une petite sieste et je regarde Totoro. J’arrive à m’endormir et lorsque je me réveille les contractions sont en effet plus intenses. Je décide donc de prendre un petit bain pour me détendre. C’est en sortant de l’eau qu’une contraction me bloque réellement. Je m’assois et souffle tranquillement toujours accompagnée de mon mari. Je ne cesse de me dire “Ce n’est que quelques secondes, c’est normal et ça va passer.” Françoise m’avait également dit que je devais absolument récupérer et me ressourcer entre chaque contraction afin de tenir sur la longueur. Je me rhabille et nous allons faire un petit tour sur la terrasse. Là encore, les vagues reviennent avec plus d’intensité. Lorsque je marche elles se rapprochent toutes les minutes.
Je m’allonge et les contractions s’estompent, elles se calent à nouveau sur le rythme de cinq minutes. Mon mari appelle donc Françoise et lui explique la situation.Elle sera là dans moins d’une heure. En attendant je continue de me reposer.
Après les choses sont très floues dans mon esprit. En effet, une fois Françoise arrivée j’ai l’impression que mon cerveau s’est déconnecté. Je pouvais me laisser aller. Mon corps faisait le travail, j’étais anesthésiée naturellement. Je n’ai vraiment que des bribes de souvenirs, des petits flashs qui restent (un ami dira d’ailleurs que c’est juste parce que je n’ai rien dans la tête)
Je vous livre donc mes souvenirs à la façon du “Je me souviens” de Perec.
Je me souviens de douleurs intenses toujours par vagues qui soulevaient mon corps comme une tempête à l’intérieur. A cela, Françoise m’a proposé un peigne à cheveux à tenir fermement dans la main, celui-ci pressant des points d’acupuncture. Je ne l’ai plus lâché jusqu’à la naissance.
Je me souviens d’avoir regardé Robin des bois de Disney mais je fermais souvent les yeux.
Je me souviens de mon repas du soir, un yaourt nature avec du bon sucre roux dedans, mais je n’ai pas réussi à le terminer.
Je me souviens que lors d’une contraction Françoise a percé la poche des eaux.
Je me souviens de cette sensation d’un liquide chaud qui s’est mis à couler et de mon mari et Françoise qui s’affairaient pour changer les alèses afin de me garder toujours au sec.
Je me souviens m’être allongée sur le matelas et sentir la présence de mon mari toujours bienveillante à mes côtés.
Je me souviens que son odeur calmait ma douleur.
Je me souviens avoir eu peur de gêner les voisins lorsque je me suis mise à crier quand les vagues se faisaient plus fortes. (mais finalement personne n’a rien entendu).
Je me souviens des premières poussées, sentiment étrange que je maîtrisais mal.
Je me souviens avoir dit que je ne pourrais pas y arriver.
Je me souviens que Françoise m’a mise sur le côté et relevée grâce à des coussins.
Je me souviens m’être agrippée à mon mari, l’entourant de mes bras et trouvant en lui tout le réconfort dont j’avais besoin. Il me dira plus tard que je lui ai aussi “poignardé” le dos avec mon peigne.
Je me souviens avoir pensé lors des poussées que je préférais être à ma place qu’à celle de mon mari. Je l’entendais inspirer et pousser avec moi. Je ressentais son énergie et je me disais que certes moi j’avais la douleur mais j’avais aussi beaucoup de répit ce qui n’était pas son cas. Mes sens étaient décuplés, les yeux fermés tout du long, mon corps s’est laissé guidé, notre petit bébé faisait aussi son travail et je l’encourageais.
Je me souviens que Françoise m’a dit apercevoir sa tête et je me rappelle la sensation étrange de mettre ma main sur son petit crâne.
Je me souviens que cette sensation a largement décuplé mes poussées et ce dont je me souviens le plus c’est cette phrase de mon mari “Il est sorti”. Je ne l’avais pas senti sortir de moi mais j’ai réouvert les yeux et j’ai vu que Françoise tenait un petit être tout blanc. Elle l’a immédiatement posé sur mon ventre et couvert d’une serviette chaude. J’avais un petit bébé, nous avions un bébé, ensemble, nous l’avions fait. Ce petit être était là, sur moi, irréel et merveilleux.
Et soudain, je ressens à nouveau des contractions et pendant quelques secondes je me demande s’il y a un deuxième bébé. Françoise me rassure à nouveau en me disant que c’est le placenta. Je ne m’attendais plus à ressentir ses douleurs et je les ai trouvées bien plus désagréables que celles de l’accouchement. J’ai senti une grosse boule sortir de moi et puis plus rien.
Après mon esprit est venu se reconnecter, je vous livre quelques souvenirs : mon mari le regardant, ce bébé parfait, un beau bébé, pour nous qui trouvons que souvent les bébés ont vraiment une drôle de tête. Moi qui tiens ce petit être. Moi qui demande à mon mari de m’aider pour enlever complètement mon haut qui était juste relevé. Moi qui sens la chaleur de ce petit bébé tout contre mon coeur. Il est là, il sent bon et tout mon corps ressent un bien-être incroyable.
Le temps s’écoule même s’il semble s’être arrêté. Françoise est dans la salle de bain et examine avec attention le placenta. Nous finissons par nous demander au bout d’une trentaine de minutes si ce petit bébé est une fille ou un garçon. Le papa soulève la serviette et me dit qu’il pense que c’est un garçon mais qu’il n’en est pas certain. De retour, Françoise soulève complètement ce petit bébé pour quelques examens et découvre : une petite fille. Notre enfant est née, une petite fille aux cheveux clairs, une petite fille née sur la musique de Bob Dylan, notre petite fée.